Le mari dans La famille de Janet paul

 par Paul Janet

famille
mari -
femme
pere mere
enfant
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fille
siecle


Messieurs,
Nous avons dit, dans la dernière leçon, que nous prendrions l'une après l'autre chacune des personnes de la famille pour lui faire sa part, lui prescrire son rôle, lui fixer ses devoirs et ses droits. Or, la première personne qui se présente à nous, c'est naturellement l'homme, le père de famille, ou, pour employer une expression plus générale, le chef de famille. Il y a deux personnes dans le chef de famille : le mari et le père. Nous traiterons aujourd'hui du mari.
( annotation Apj, comme dans tous les système sociaux, il existe différents moyens de gérer, de la dictature à la parité. Je pense qu'il faut tenir compte qu'à l'époque de l'écrit, l'idée était que les cellules végétales étaient des corps simples, c'est Claude Bernard qui démontra le contraire, de même l'idée était que la pensée de la femme n'était pas assez élevée pour être considérée comme pensée humaine à part entière. Depuis le droit de vote et depuis l'autorisation de posséder un compte banquaire, a imposé une reconnaissance naturelle de ce qui est aux femmes, a savoir se sont des êtres douées de raison. En d'autres mots, ce n'est pas le sexe qui fait l'Homme, c'est sa pensée, sa raison.)  Le pouvoir, dans la famille, n'a jamais été, chez aucun peuple, contesté à l'homme. Mais ne serait-ce point là un long préjugé et une usurpation traditionnelle ? Le momment n'est-ul pas venu de demander ses titres à cette autorité comme à toutes les autres, d'opposer à ce chef incontesté une nouvelle déclaration des droits, enfin d'affranchir, et, comme on le dit, d'émanciper la famille ?
D'abord, Messieurs, faut-il une autorité dans la famille ? Il en faut une, par cette première raison que, dans toute société, une autorité est nécessaire. En effet, les diverses presonnes qui composent une société ont chacune leurs idées, leurs sentiments, leurs intérêts divers ; et il est impossible que tous soient d'accord. Qu'arrivera-t-il donc, s'il n'y a point de volonté commune et unique qui fasse la loi ? Ou personne n'agira, ou tous agiront en sens contraire. Mais il faut agir : l'inaction entraînerait la ruine de la société. On agira donc, mais en se divisant : or, cela même est déjà la ruine de la société. Dans les deux cas, la société périt, par inertie ou par anarchie. Il faut, par conséquent, une autorité.
Outre ces raisons générales, il y en a de particulières en faveur d'une autorité dans la famille. Une société en général est composée de personnes qui, prises en général, sont égales entre elles. Mais la famille se divise en deux groupes nécessairement inégaux : les parents d'une part, et de l'autres les enfants. Or, quelque amoureux que l'on soit de l'égalité humaine, on ne peut prétendre qu'il doive y avoir égalité de volontés et de voix entre ces deux groupes de personnes. Evidemment les enfants, qui ne peuvent ni se mouvoir eux-mêmes, ni se nourrir eux-mêmes, ni enfin s'instruire eux-mêmes, et qui, de bien longtemps, ne sont pas en état, par leur inexpérience, de diriger leurs propres actions, doivent être d'abord portés et nourris, puis instruits et dirigés par d'autres : et à qui appartient cette charge, et par conséquent ce pouvoir, sinon à ceux qui, les ayant mis au monde, sont évidemment responsables de leur existence ?
Par rapport à l'enfant, l'autorité des parents est une, égale, solidaire : il doit également obéir à l'ordre du père et à celui de la mère sans discuter laquelle de ces deux autorités est supérieure à l'autre. C'est à la sagesse des parents de ne pas forcer l'enfant à soulever cette fatale question, et de ne pas mettre son coeur en contradiction avec sa raison.
Mais cette question que l'enfant ne se pose pas, ou qu'il ne se pose que très-tard et en tremblant, la philosophie et la morale doivent se la faire. Car, entre deux personnes, même parfaitement unies, il est difficile de rencontrer une constante uniformité de vues, de sentiments et de volontés. Il faut donc une voix prépondérante qui décide en dernier ressort, il faut qu'entre ces deux personnes investies de l'autorité domestique, l'une des deux ait le privilège de l'autorité suprême.
Or, à quels titres se reconnaîtra cette suprême autorité ? Ces titres sont la force et la raison. Evidemment, le pouvoir appartient, dans la famille, à celui qui est assez fort pour la défendre, et assez raisonnable pour la gouverner.
Ce n'est pas que je veuille en aucune façon faire reposer le droit sur la force ; mais toute autorité a besoin de force pour accomplir son devoir. Autrement ce n'est qu'une autorité abstraite et impuissante. La force n'est donc pas le principe de l'autorité, mais elle en est la condition.
C'est surtout à l'origine des familles et des sociétés que la supériorité de la force donne à l'homme un grand rôle à remplir, et par là même un pouvoir incontesté : car la famille, mal protégée par la société encore en enfance, n'est guère couverte que par le bras de l'homme ; et si l'autorité domestique est si puissante dans les sociétés primitives, c'est qu'elle y tient en grande partie la place de l'autorité politique. Mais, dans nos sociétés civilisées, la famille court en général si peu de périls matériels, que ce rôle de défenseur armé de la famille a dû perde de son importance. Cependant cette idée est encore vivement empreinte dans l'esprit des classes populaires ; et, dans toutes les classes, l'homme sait que c'est sur lui que repose la tâche d'écarter ces périls, s'il se rencontrent. La femme, héroïque à l'occasion, mais timide par nature et par habitude, a besoin d'un défenseur qui défie pour elle la violence et l'insulte. L'homme est le bras de la famille ; et c'est une considération remarquable que, s'il n'en est point en même temps la tête, il est réduit par là même au rôle de serviteur mercenaire et de soldat obéissant. Celui qui a la force, ne peut être que le maître ou l'esclave ; alternative qui n'est pas vraie de la femme, car elle peut ne pas être la souveraine maîtresse, sans être pour cela la servante. Il lui reste un empire à elle et une certaine souveraineté propre sur laquelle l'homme ne peut empiéter sans injustice et ridicule.
La femme reconnaît volontier à l'homme le privilège de la force ; mais je crains d'affliger une partie de cet auditoire en plaidant encore pour celui-ci le privilège de la raison.

La famille

La femme

Le père et la mère

L'enfant

Le fils

La fille

Le siècle et la famille

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